L’équipe du Club Laser et Procédés a rencontré Bertrand Frossard, Responsable du Développement Commercial chez Chromacity. Nous lui avons posé quelques questions...
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai rejoint Chromacity en octobre 2020, après 18 années professionnelles dans le secteur des dispositifs médicaux et plus précisément des solutions prothétiques de nouvelle génération. Je ne viens pas du milieu de la photonique et des lasers, mais au fil des ans je me suis spécialisé dans la pénétration de nouveaux marchés pour des solutions de haute technologie et à forte valeur ajoutée. Les solutions lasers développées par Chromacity s’intègrent parfaitement dans ce parcours : notre société, cherchant à développer davantage son activité commerciale à l’internationale, a décidé d’étendre son équipe en accueillant un Responsable du Développement Commercial, rôle que j’ai le plaisir d’occuper aujourd’hui. Il y a donc une logique liée à mon expérience et savoir-faire en termes de développement d’activités à l’international, mais il y a aussi une logique géographique : notre société est basée à Edimbourg en Ecosse, ma ville d’adoption depuis 10 ans maintenant. J’opère ainsi depuis notre base édimbourgeoise avec le reste de notre équipe composée de 10 personnes.
En ce qui concerne mes missions, elles sont multiples et consistent principalement à étendre notre activité auprès des acteurs industriels sur un nombre défini de marchés cibles. Jusqu’à présent, notre société, fondée en 2013, s’est plus particulièrement attelée à promouvoir nos solutions auprès des milieux académiques, étape essentielle pour la validation de notre technologie. Nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle phase de développement pour laquelle les collaborations industrielles joueront un rôle clé en termes de volume d’affaires. Au travers de ces collaborations, nous voulons aussi amorcer une démocratisation des solutions les plus avancées que nous proposons. Je pense plus particulièrement ici à nos Oscillateurs Paramétriques Optiques (OPO) infrarouge qui peuvent trouver leur place pour des applications industrielles, sous condition que ce type de solutions soit robuste, facile d’accès et économique. Sur ces volets, je contribue à la définition de notre politique tarifaire et aux programmes éducatifs que nous mettons en place afin de faire sortir de la seule sphère académique des produits tels que les OPOs. Notre approche, pour convaincre les milieux industriels, pourrait ainsi se résumer à « un OPO, ce n’est pas forcément onéreux, et surtout ce peut être très simple à installer et utiliser ».
Pourquoi avez-vous décidé de travailler dans le secteur du laser ?
C’est un peu une rencontre fortuite. C’est lors d’un déplacement professionnel, dans un avion, que j’ai découvert les technologies lasers à fibre, en consultant une revue scientifique généraliste. L’article mentionnait Chromacity et son implantation édimbourgeoise, ce qui m’a poussé à consulter leur site internet. J’ai été immédiatement fasciné par les produits et les possibilités applicatives, et cela a ravivé de vieux souvenirs de physique qui ne demandaient qu’à se réveiller. La section recrutement du site internet mentionnait l’ouverture du poste que j’occupe aujourd’hui. Ma rencontre avec Madame Shahida Imani, notre Présidente-Directrice Générale, et le Docteur Christopher Leburn, le Cofondateur de Chromacity, a confirmé l’adéquation de mon expérience avec les spécifications du poste à pourvoir et les aspirations futures de Chromacity.
En rejoignant l’équipe, l’impression que j’avais a priori de Chromacity et du secteur s’est confirmée : l’innovation est encore plus forte qu’anticipée, et les domaines d’application plus variés qu’imaginés. La photonique est un milieu extrêmement dynamique, pointu et mondialisé qui nous impacte tous, sans d’ailleurs forcément qu’on le sache avant de s’y impliquer. C’est une réelle source de motivation car il y a chaque jour quelque chose de nouveau à apprendre en termes de technologie et marchés applicatifs. J’ai personnellement un intérêt pour les domaines de la microscopie et les applications environnementales et agroalimentaires. Dans ces domaines, les avancées des acteurs de la photonique créent des externalités positives qui peuvent avoir un impact sociétal majeur pour les années à venir.
Quelle sont les dernières innovations de votre société dont vous êtes le plus fier ?
L’innovation la plus marquante est selon moi le lancement récent de notre OPO couvrant la bande spectrale 5 – 12 µm. D’abord parce qu’il permet une accordabilité spectrale continue au-delà de 8 µm. Ensuite parce qu’il ouvre des possibilités applicatives prometteuses en spectroscopie IRTF, notamment pour la détection à distance multi-objets. Que ce soit dans les domaines de la défense/sécurité ou de l’environnement, détecter simultanément des composés ayant un intervalle spectral étroit ou au contraire de type continuum, à des distances de plusieurs centaines de mètres, sans nécessité d’instruments complexes et lourds, offre à leurs utilisateurs directs sécurité et efficacité (détection sûre d’agents tel le Novitchok pour citer une actualité qui a fait du bruit en Europe). Cela offre plus largement à la collectivité des bénéfices inqualifiables, notamment pour supporter les projets visant à identifier et mieux comprendre les agents polluants, quelle que soit leur forme (gazeuse, liquide, solide).
Nous avons également de nombreux projets de développement en cours et une actualité riche à venir en termes de lancement de produits en 2021. Notre gamme de lasers pulsés femtosecondes va s’étendre considérablement pour couvrir d’abord le domaine de l’UV, ce qui nous permettra de développer davantage les applications liées à la recherche en optique quantique. Pour le proche infrarouge, de nouveaux lasers vont aussi voir le jour en 2021 dans le but d’intensifier nos activités dans le domaine de l’imagerie du vivant et de nous positionner sur de nouveaux domaines applicatifs, en particulier le segment des tests et mesures.
Comment voyez-vous le marché du laser dans 10 ans ?
De toutes les questions posées, celle-ci est définitivement la plus difficile. Il ne faut d’abord pas sous-estimer l’impact de la pandémie de COVID-19, car ses conséquences ne seront pas uniquement conjoncturelles.
La situation sanitaire actuelle semble accélérer, indirectement, la nécessité d’une lutte plus efficace pour la préservation de l’environnement. L’industrie du laser, et les solutions ultrarapides en particulier, est une composante entière non de la lutte elle-même, mais des moyens qui peuvent être mis à sa disposition. Les applications environnementales sont ainsi définitivement amenées à croitre dans les années à venir et pourront être soutenues, entre autres, par l’utilisation d’OPOs.
La lutte plus générale contre le gaspillage et la nécessité de plus en plus impérieuse du « zéro stock – zéro défaut » est un autre élément qui va permettre une utilisation plus large des solutions lasers dans l’industrie. Un secteur émergent en la matière est l’agroalimentaire, secteur pour lequel les instruments optiques doivent devenir plus abordables pour une utilisation de masse à l’horizon 2025 ou 2030.
D’un point de vue de l’offre laser, nous espérons occuper un créneau stratégique avec les technologies que nous avons d’ores et déjà développées. A titre d’exemple, nos produits Chromacity 1040 et nos OPOs ont été récemment utilisés en recherche quantique dans le but de développer de nouvelles méthodes de communication satellite sécurisées. L’émergence des technologies quantiques a le potentiel de transformer de nombreux secteurs industriels tels que les télécommunications, la défense, le transport ou encore le domaine de la santé.
Enfin, d’un point économique, le marché du laser va très certainement continuer sa consolidation avec des fusions-acquisitions entre fabricants de lasers eux-mêmes, ou par des processus de rachat par des intégrateurs. Mon souhait est qu’à l’horizon 2030, Chromacity soit l’un des acteurs-clés du marché pour les technologies fibrées ultrarapides.
